
En créant un blog nommé les Kids Montréal, on pouvait s’attendre à ce que je partage des photos de mes enfants. Mais non. Toutefois, dans cet article il n’est pas question de mon avis sur la façon dont les adultes, parents, abordent l’image de leurs enfants sur leurs réseaux sociaux. Je ne me permettrai jamais de juger ce qui en 2019 fait partie de l’éducation – que ceux qui se retournent dans leurs tombes lèvent l’humérus. Je suis d’ailleurs de nombreux comptes de parents qui montrent leurs enfants et que j’apprécie, au même titre que je suis aussi des comptes de parents qui ne montrent pas leurs enfants et que j’apprécie – comme disaient Arnold et Willy, « Faut de tout, tu sais, faut de tout c’est vrai, faut de tout pour un faire un monde » fut-il numérique.
Commençons par définir ce dont on parle. Le sharenting est une notion qui n’est pas si récente. Aussi loin que j’ai pu remonter, elle date de 2013 et proviendrait d’une évolution de « oversharenting » paru dans le Wall Street Journal – à l’ère du numérique, 6 ans c’est une éternité. Il n’existe pas de traduction française de ce mot – même si tu t’en doutes, j’en ai pléthore à proposer, dont « partarent» ou « parantage » – qui est une contraction de « share » et de « parenting», soit « partager » et « parentalité ».

Concernant la définition, il y a deux écoles: certains indiquent qu’il s’agirait du fait d’exposer son enfant sur les réseaux sociaux, d’autres définissent ce terme comme la surexposition des enfants par leurs parents et leurs grand-parents. A quel moment commence la surexposition…on aura, je l’espère, l’occasion d’en reparler. En revanche dans les deux cas, il est question au-delà de l’exposition physique, du partage d’informations personnelles.
Récemment au Canada, une recherche a été menée par Option Consommateurs, dont tu trouveras l’excellent rapport ici et il s’avère qu’au-delà des menaces de diffusions de photos sur des réseaux pédopornographiques, certaines photos postées par leurs parents ont amené des enfants à se voir par exemple refuser une assurance vie en raison d’un risque trop important (photos dudit enfant hospitalisé publiées par les parents….). Parce qu’au-delà de l’image, il y a les informations que la publication révèle sur sa vie, son enfance, son quotidien.
Si aujourd’hui ton enfant tout mignon déguisé en Goldorak – comment ça les enfants d’aujourd’hui ne le connaissent pas?- sur ton compte Instagram n’a strictement aucune idée de ce qu’est son image numérique, il sera d’ici une petite dizaine d’années un ado qui n’aura probablement pas envie que ses potes – et les autres – voient ça. Parfois, ce sont mêmes ses -fameux- potes qui l’informent de la présence de cette photo sur le net. Cette photo, marrante ou pas, peut être une insignifiante scène de vie quotidienne, aura peut être même fait le tour du lycée et tu seras peut être même un des instruments de son harcèlement scolaire. shit happens. Enfin, happens….ça dépend, parce que finalement, ces photos on les trouve bien mignonnes mais, si les parents en étaient les sujets principaux, je ne suis pas sûre qu’elles seraient publiées. La blogueuse Toya Diehbel en a fait un combat, n’hésite pas à regarder cette petite vidéo qui explique ce qu’elle en pense, et comment elle lutte de façon artistique et humoristique.
Le ridicule ne tue pas, sauf quand tu es adolescent et on a un peu trop tendance à l’oublier une fois devenu adulte – Ok là c’est un avis personnel. Ainsi, un jeune dont la maman avait posté, sur un de ses réseaux il y a des années, une photo de lui déguisé en fille au primaire, a vu cette photo être imprimée et circuler dans son établissement scolaire dans le but de l’intimider.
La question de savoir si ton profil est public ou privé est un peu biaisée selon moi (encore un avis personnel) car il apparaît que même si tu as un profil privé il contient en moyenne près de 250 amis. Or, comme disait ma grand-mère, les amis on les compte sur les doigts d’une main – soit 5 sauf cas particulier. Cela signifie que tu ne peux pas connaître absolument et personnellement toutes les entités avec lesquelles tu partages des informations sur ton kid.

En définitive, peu importe comment tu définis ton profil, quand tu partages une photo de ton enfant, la première question à te poser est « est ce que cette photo peut être rendue publique? » parce que tu ne maîtrises pas non plus ton entourage proche, qui décidera de partager cette photo avec son entourage proche et ainsi de suite.
L’autre question qui se pose depuis l’excellent hoax autrichien de 2016 – qui a permis de mettre en lumière le droit au déréférencement numérique pour les mineurs institué par la loi européenne relative à la protection des données personnelles leur permettant de faire supprimer un contenu dérangeant les concernant – est celle du consentement de l’enfant. Toute ressemblance avec le droit à l’image n’est pas fortuite. Et tu vas me dire, être parent c’est souvent faire abstraction du consentement de ton enfant. Tu as raison, tu en fais abstraction quand c’est pour son bien. Plus les années passent et plus on voit des enfants demander à leurs parents de retirer des photos d’eux qu’ils estiment être dévalorisantes, ou tout simplement parce que contrairement à notre génération qui a naïvement vu l’avènement des réseaux sociaux comme des outils de partage, ils ont bien compris que cela allait bien au-delà. L’exemple le plus partagé est celui d’Apple Martin, la fille de Gwyneth Paltrow, qui a demandé en mars 2019 à sa star de mère de retirer une photo sur laquelle elle apparaissait et de ne plus rien publier la concernant sans son accord, le tout en commentaire. La photo est toujours présente sur le feed de Gwyneth et elle a permis de faire s’insulter ceux qui étaient d’accord avec la fille et ceux qui était du coté de la mère, le tout en augmentant farouchement le taux d’engagement de la communauté de Gwyneth…je ne veux pas croire à un coup marketing.
ll y a également une étude de 2016 de Nominet qui indiquait qu’avant d’avoir atteint l’âge de 5 ans, les enfants anglais avaient déjà près de 1500 photos d’eux sur le net…bim. Et c’est une moyenne…re bim. Ainsi, les enfants nés depuis 2004 (avénement de FB) ont une empreinte digitale qu’ils ne sont pas en mesure de maitriser car elle a été façonnée par leurs parents à coup de première dent, de premier pipi au pot et de premières urgences pour des petits bobos….Ton enfant qui est né en 2005, et dont tu as partagé les échographies dès 2004, a 13 ou 14 ans aujourd’hui, d’ici approximativement 10 ans, ses employeurs pourront certainement retrouver des bribes de sa vie qu’il n’a pas décidé lui-même de leur dévoiler. En parlant du futur, une personne mal intentionnée – et c’est vrai qu’internet en compte quelques unes quand même- pourrait sur certains profils de « parents très fiers» retrouver l’ensemble des informations concernants leurs « petits loulous » et ainsi usurper leurs identités -une fois que tu as la date et le lieu de naissance de l’enfant, son adresse, le nom et le prénom des parents, leurs dates de naissance…comme je t’ai dit, au-delà des images, pense renseignements.
Ah oui parce que tu ne le sais peut être pas, ou tu ne l’analyses peut être pas ainsi mais…le droit à l’oubli sur le net c’est une notion aussi abstraite que ta maîtrise de tes données personnelles – en gros la maladie est à la santé, ce que leurs posts malaisants sont à leurs enfants. Excuse, je cherche du travail et je passe un nombre hallucinants de tests de logique….ça a forcément un impact sur ma vie.
Tu me diras que si les réseaux sociaux n’autorisent leur utilisation qu’à partir de 13 ans, il doit y avoir une raison. Probablement que les réseaux sociaux partent du principe que c’est l’âge de raison – Ah oui j’avais oublié de te dire à quel point on se marrait sur les réseaux sociaux. C’est vrai que les premières cuites, et leurs lots de photos compromettantes et malaisantes arrivent avant…ironie. Bref, si effectivement il n’y avait pas de photos de nos kids avant qu’eux le décident vers 13 ans, l’ordre des choses ne serait pas inversé et nous, adultes, serions les seuls à nous effondrer devant des photos qui détruisent complètement l’idée qu’on pouvait se faire des soirées philo du petit dernier.
Certains répondent qu’ils maitrisent parfaitement leurs réseaux et je trouve ça admirable. En revanche, sommes nous réellement conscient des dangers futurs : la reconnaissance faciale par exemple, la manipulation de nos données etc….en même temps, je dis ça mais nos kids seront bien capables d’acheter un test ADN pour se marrer et donner – non mais mieux, donner de l’argent pour donner – le patrimoine génétique de l’ensemble de notre famille proche et lointaine alors, c’est vrai que finalement, le don de leurs données personnelles digitales… – cet exemple montre bien que la génération précédente est toujours mieux – enfin, « moins pire »- que la suivante (dit celle qui comme beaucoup a donné son image pour avoir une photo d’elle vieillie de 30 ans – ah mais c’est pas la même chose, j’étais consciente de ça et qu’est ce qu’on a ri, mais ri…on en reparle quand ladite photo servira une publicité pour site de rencontres de Cougars…on va encore rire mais rire).
Allé, je te laisse avec une note positive si tu es un ado dont les parents ont soulé le monde de l’internet avec des photos de toi, sache que le principe de respect de la vie privée est protégé par l’article 12 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (je sais c’est plus ardu vue d’ici que Fortnite, mais tout aussi passionnant si tu t’y plonges avec autant d’ardeur). Et si tu es le parent qui poste 5 photos de tes enfants par jour, fais comme avec leurs comptes d’économies, tu clos tout la veille de leurs 18 ans.
Dernier jour de la semaine, courage
Demain c’est samedi, et je t’emmène voir des rorquals (je te mets un lien Wikipédia t’inquiètes).
Stay tuned, Enjoy ton vendredi!
Un commentaire sur “Le « sharenting », quand c’est aux enfants de veiller au contenu que publient leurs parents sur eux – article de culture numérique”